Ça ne vaut pas la peine que je m’use sur l’oeil profond de l’amateur de riens pour ceux que j’aime à poser des écluses le temps défait à peu près tous les liens l’air est vicié de mots et quelle muse mêlerait son fantôme avec le mien je me vois dans les regards qui m’accusent sous chaque pas une ombre se souvient de la parole, de l’arbre, du soir Ils sont debout au milieu de ma vie mais dans quel désordre avec quel espoir je ne veux plus comparaître ni plaire Toute soif bue au goulot de l’envie si je reprends goût c’est à la colère. |
A présent, mes amis que je vis dans les arbres plus de bruit, plus de pleurs Aux feuilles et aux branches je m’exhibe sincère à vous rendre jaloux vous qui me reprochiez ma trop grande pudeur il m’arrive souvent de resonger à nous lorsque enfants nous lisions d’Italo Calvino il barone rampante, et rêvions de bâtir, caché par la forêt de la bêtise humaine, un bungalow où tout serait presque parfait où vivre irait de soi sans lutte ni fatigue deux chambres pour l’amour une pour l’amitié Quand enfin viendrez-vous dans mon vert paradis ? Chaque jour je vous lance une échelle de corde que je ramène au soir couverte d’escargots. |
à Carl Norac J’emporte en voyage deux montres l’une marque l’heure de mon départ l’autre semble indiquer celle de mon retour Vous le savez mieux que moi : Les belles étrangères si accueillantes aux étrangers sont rarement ponctuelles en amour C’est pourquoi j’ignore toujours laquelle de mes montres retarde et pour qui mes fuseaux horaires se déhanchent ainsi que sur des airs de danse. |
Ces quelques gestes quotidiens ces allers jumeaux des retours ces paroles qui n’échangent rien cet emploi du temps inutile (l’ombre est si forte par ici et le vacarme assourdissant que nous ne pourrions même plus distinguer le chant des esclaves des couleurs mates de leur peau) ai-je le droit de proclamer qu’ils donnent du sens à ma vie Ai-je le droit de me corrompre au point de dire à haute voix qu’ils donnent un sens à ma vie ? |
à Jacques Izoard Maison Poésie On procède ici à l’arrestation des ombres Je n’ai dénoncé personne Les jours se sont ouverts sans que j’y prenne garde et répandus sur les bouches du monde comme un poison. Le monde est un trou dans ma tête. Je peux y passer tout un bras puis ramener des images, des mots. La rafle s’est faite On ne proteste guère Pour l’indignation les phrases sont usées et les ombres après tout ne sont pas toute blanches. Arrêt poésie On lève le pied On écrase. |
Ohé du rigoloir entendez-vous nos plaintes ? nous sommes quelques-uns à grincer dans la nuit heimatlos clandestins de la Grande Beauté nous sommes les gisants du placard à côté Notre agonie est lente et l’appétence dure aussi longtemps que l’oeil est debout dans le corps (un ange à pile ou face a conquis sa catin, il retire ses ailes avecque sa chemise et s’offre du plaisir pour quatre fois sa mise) Silences en surface et remous par le fond. |
Eté J’ai l’un ou l’autre encore mots à tracer puis je raccroche Mon pauvre ami mon corps prends le temps qu’il te faut ne me fais pas reproche du trop peu de plaisir que je t’aurai donné quand je suivrai enfin la lente putain moche ma mort jusque dans des fourrés sweet side où l’on peut, paraît-il, faire – et à bas tarif – l’amour avec sa propre soif. |