| 69 selfies flous dans un miroir fêlé [2021]

Soixante-neuf selfies flous dans un miroir fêlé, couverture de Benjamin Monti, L’Arbre à paroles, collection IF, 2021, 100 pages.

Le nouveau Karel Logist n’a pas qu’un titre mémorable. Par bien des aspects, il rappelle le très touchant Desperados, qui avait reçu le Prix SCAM-SACD en 2013. C’est de la poésie contemporaine, mais moins dans la forme que dans le choix des sujets et la façon de les traiter. Par exemple, Karel Logist écrit directement sur son smartphone. Comme pour s’assurer que dans leur saisie même, ses mots parlent du monde tel qu’il est, tel qu’on l’habite. Mais surtout tel que lui l’habite. Car c’est bien un autoportrait qu’il nous offre, le portrait de quelqu’un qui a voué sa vie aux mots et qui regarde le monde depuis un étonnement jamais passé. Certes, on sent de la lassitude et de la tristesse. Certes, bien des choses emmerdent le poète. Mais la grande force de ces 69 selfies flous est de ne jamais verser dans la désespérance. Au contraire, ils nous rappellent que la vie a « besoin d’être aimée et envie d’être désirée, de prendre le vent de face, de sentir et de consentir, de se savoir surprise ». En ces temps incertains, qui n’y souscrirait pas ? Antoine Wauters, sur site de l’éditeur, 2021.

Le poète nous propose un autoportrait, à la météorologie variable. Tantôt il y fait couvert, tantôt voilà l’éclaircie. Tantôt c’est cruel, tantôt tendre. Le lyrisme se glisse, presque imperceptiblement, au sein de ces « carnets de doute » écrits au temps de la pandémie, et gangrenés par le lexique de notre époque puisqu’on y parle de fake news, de sex-toy, de Facebook, de wifi ou de follower. Karel Logist sort la poésie de sa chambre parfois austère, la promène dans la rue, lui fait prendre l’air. Et la poésie, comme un bon chien débarrassé de son collier, y retrouve le goût des escapades buissonnières. […] En ces 69 variations, l’écriture va sans cesse à l’essentiel. On pourrait redouter les confessions égotiques. On se sent au contraire intimement concerné. C’est de la grande poésie, parfois proche de la chanson, et assurément l’un des plus beaux recueils de ces dernières années. Nicolas Crousse, Le Soir, 12 juin 2021.

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