| Éboulis oubliés [2009]

Eboulis oubliés, Andrea Tenuta, Delphine Peters et Karel Logist
Éboulis oubliés, Andrea Tenuta, Delphine Peters et Karel Logist, Liège, Architexto, Editions Fourre-tout, 2009, 160 pages.

L’architecture peut se présenter sous de nombreuses facettes, outre celle de se positionner dans l’espace de manière tangible en adoptant la forme d’un édifice construit. L’architecture peut être le souvenir, l’imaginaire, l’idée, le modèle, la construction théorique, l’utopie, la fantaisie, le paraître…Dans ce livre, l’architecture de Delphine Peters et d’Andrea Tenuta doit surtout s’interpréter comme une promesse, un dessein, une conjugaison au futur simple. Elle augure de ce qui va s’accomplir, de ce qui pourra se transformer en réalité, de ce qui deviendra demain espace, matière, forme et lumière. Cette architecture devra alors pleinement prouver, dans sa concrétisation, ce qui s’ébauche d’ores et déjà dans la représentation graphique de l’esquisse et du plan, dans la réduction abstraite de la maquette et dans l’exposé qui l’accompagne. Schémas, dessins, maquettes et mots exhalent un évident désir de se muer en édifice, avec tous les développements architecturaux et architectoniques que cela implique. Car c’est seulement sous la forme construite que cette architecture pourra réaliser son ambition si bien décrite par Karel Logist lorsqu’il parle d’un «vigoureux désir d’éveiller des lieux». Hans Ibelings, New European Architecture A10

Pour cette édition qui clôture le cycle Architexto 2006-2009, Andrea Tenuta et Delphine Peters nous dévoilent une sélection de projets publics, conciliant patrimoine et création contemporaine (Moulin de la Paix-Dieu à Amay, avec l’architecte Bertrand Evrats ; Abbaye de Villers-la-Ville, avec l’Escaut architectures et Pigeon-Ochej paysagistes), logements sociaux basse-énergie (Jupille/Liège) et écoles au stade du concours. Avec pour trait commun qu’aucun des projets n’est à ce jour réalisé. Quant à Karel Logist, figure majeure de la poésie francophone, il prête sa plume à une déambulation libre dans l’univers des architectes. Site de l’éditeur.

J’ai lu d’une traite le nouveau recueil de poésie de Karel Logist, Éboulis oubliés. Quand, je dis « lu », je veux dire « lu tout haut ». Sais pas pourquoi, la mise en bouche (la mienne !) fait mieux apparaître le rythme, le ton très personnel de cet écrivain liégeois. L’anagramme du titre (Éboulis oubliés) se coule naturellement sur la page. Pourtant, il est original, osons le mot génial, même. Si vous ne connaissez pas (encore) Karel Logist, je vous livre une « preuve » supplémentaire de son génie poétique : Éboulis oubliés est le seul à apparaître dans une recherche Internet sur un moteur de recherche (expression exacte en recherche avancée « éboulis oubliés »), avec une partie de scrabble jettoise ! L’auteur liégeois bénéficie d’un environnement architextuel de choix puisque les projets présentés par Andrea Tenuta et Delphine Péters sont très réussis. Sa plume imprégnée de l’encre des matériaux art-chitecturaux se fait, au détour du chemin, très personnelle. Le poète a pris le parti de ne pas écrire sur /décrire l’ensemble des projets du bureau d’architecture qui l’avait invité. Un « Tu » féminin transperce également ses poèmes. Sur les 41 pages de textes poétiques, 24 sont poétiquement architecturales, 17 poétiquement poétiques. Karel Logist ponctue son texte de majuscules et deux espacements délimitent les strophes. Bien dans la lignée de la poésie contemporaine. La terminologie technique des architectes parsème ces Éboulis, les enrichit de précisions bienvenues, sans jamais fermer de fenêtre poétique. Quelques aphorismes également ; mon préféré : « Les architectes en prison font-ils plus volontiers le mur ? » Jean Mertens, Editions de Nulle part.