![]() Je ne vais plus semer de baisers sur ta peau Je ne vais plus guetter ton rire entre les pages Je ne vais plus lire ton corps dans un nuage Je ne vais plus peser l’ombre de tes cheveux Je ne vais plus bouter le feu à tes silences Je ne vais plus marcher sur le fil de ta joie Je ne vais plus sonner le glas de tes absences Je ne vais plus ouvrir tes rêves avec mes lèvres Je ne vais plus lever le poids sur tes épaules Je ne vais plus chercher le chemin disparu Je ne vais plus oser parce que tu as peur. |
Depuis hier soir, tous les soirs je bois un thé de camomille devant un programme d’Arte et quand ma tête est endormie mon cœur continue à fumer Depuis hier, tous les week-ends je restaure un château hanté dont le fantôme est un sorcier qui peut lire dans mes pensées Depuis hier, chaque semaine je fréquente des cinéphiles Je les envie qui s’ébaudissent de jeunes films sud-coréens Depuis hier, chaque midi je bois un vin blanc en terrasse avec des amis très bronzés (c’est excellent pour ce que j’ai : vagal chagrin d’amour qui peine à se dissoudre dans l’automne) Sous ces nouvelles habitudes je vais vivre assez vieux pour voir mon profil changer de visage et vieillir prendre un sens heureux que tu ne connaîtras donc pas. |
Vivre seul, c’est veiller au moindre de ses gestes, par peur des faux mouvements. C’est se parler à voix haute, pas trop souvent, mais avec gentillesse. Parfois aussi se taire pour ne pas se tarir. C’est mesurer d’une caresse le calendrier de la poussière. C’est honorer des rendez-vous avec un fantôme insomniaque. Vivre seul, c’est chanter à tue-tête dans un pommeau de douche, sans crainte de représailles. C’est garder les mêmes pantoufles même si elles sont à bout de souffle. C’est ne pas vider le lave-vaisselle tant qu’il ne pipe mot. Vivre seul, c’est revoir trois fois le même film, parce que Scarlett est belle. Vivre seul, c’est vouloir, dans la danse des draps, me serrer dans mes bras comme tu le faisais. Vivre seul, c’est ne pas nommer la solitude. |
Nos morts nous volent en douce une parcelle de nous-même une présence au passé qu’ils œuvrent à nous soustraire Et c’est la vraie raison pourquoi nous les pleurons et pourquoi nous parlons de vivement les rejoindre pour fouiller leurs valises leurs poches et leur mémoire. |
Le temps d’une saison, d’une étoile filante, tu seras de retour ma belle passagère car cela est écrit dans la poussière ardente et germe sous la terre. La vie ne voudrait pas nous séparer déjà. Elle a trop d’attentions pour ceux qui la chérissent et poursuivent le combat malgré leurs cicatrices. Tu ne me diras rien de ton voyage éteint. Tu poseras ta main sur mon épaule et tes armes à mes pieds. Nous les enterrerons au matin. Alors tu seras là, précieuse fugitive. Tes yeux se pencheront sur le puits de mes larmes. Tout sera oublié pour que l’été revive. |
J’habite à reculons des souvenirs ténus d’insalubres maisons qu’il eût fallu abattre D’improbables moissons saturent leurs greniers Je maudis ma mémoire qui les a retenus et bénis leurs maçons pour les avoir construits. |
Tu effaçais toutes mes traces sans état d’âme ni pathos Mes mégots nos bouteilles bues les canettes que nous vidions à la santé de ton cœur libre l’historique de nos échanges nos sms nos mails nos chats le creux de mon corps dans vos draps mon sperme sur ton oreiller et mon reflet dans les miroirs tout s’en allait à la corbeille Et mes morsures dans ta nuque mes baisers sur tes lèvres tièdes cicatrisaient à la minute comme s’ils n’avaient pas existé Quand ma ferveur oblitérée s’accommodait du double jeu dont je n’apprendrais pas les règles tu murmurais en m’embrassant que tu aimerais sauver ton couple et te trompais en le trompant et que tu ne savais pas trop si notre aventure valait la peine d’avoir du chagrin Tu m’as forcé à avaler avec le venin des couleuvres la gomme qui allait m’effacer. |