Je me shoote au chagrin des autres et du mien J’élague les sanglots et dégorge les peines Je fais des confitures de bourdons cafardeux avec de vrais morceaux de tristesse dedans Je flaire le malheur à plusieurs kilomètres comme un requin le sang qui pleure d’un blessé J’ai besoin de ce fix pour planer à travers les plis de la journée et les plaintes du soir Je sens monter les larmes comme une jouissance. |
Quand je m’use les yeux entre des murs aveugles devant un écran bleu en quête de bonheur quand des amis me disent avec mansuétude qu’il est avantageux de savoir où aller quand moite je me cogne aux miroirs de ma vie pour qui c’est chaque jour le jour des encombrants quand des enfants sournois lacèrent mon visage parce que je souris autrement que leurs pères où œuvres-tu Seigneur qui nous dit-on rachète maquignon sans vergogne tous les péchés du monde ? |
Si cela ne suffit pas j’ajouterai des oiseaux et peut-être des anges (l’acrylique sur toile n’aime pas les mélanges) dans un coin du tableau et dans l’autre une étoile ou plutôt un soleil au-dessus d’une piscine lascive et bleu Hockney où mes deux baigneurs nus parce qu’ils n’ignorent pas que je peins le bonheur nageraient cent longueurs sans langueur. |
Tu passes beaucoup d’heures, les meilleures de tes jours et de tes nuits, devant un écran plat, petite merveille technologique qui te bombarde de pixels. Il t’offre les débats, les combats, les ébats, les fictions, les romances, la plongée en apnée dans des histoires de cul, les films de Cap d’Agde et d’épée de Damoclès qui manquent si cruellement à ta vie sédentaire. Excité, fasciné, hypnotisé, passif et prosterné, tu t’endors sans prières devant ce dieu qui tremble. Et tu te réveilles vide de ce que tu as vu. Pourtant tu penses que parfois ton téléviseur voudrait te dire quelque chose. Il ne trouve pas les images. |
Le petit dieu de tes imperfections peut dormir sur ses deux oreilles sourdes Né avant-hier et de manière absurde déjà on lui crée une religion Son Panthéon draine des pèlerins Loué soit-il pour ses fiers coups de reins Priape et Pan avec leurs ventres ronds époux puceaux boursouflés d’importance bandent en chœur pour son omnipotence Je l’ai prié D’autres le brûleront. |
Cueillir le jour Courir les rues Sauver la face Nager nu Caresser l’air Vivre l’instant Aimer l’ami Dormir l’amour Ouvrir les mots Prendre parti Chasser des souvenirs Voler Braver les ordres Rester sobre Brider les peurs Planter un arbre Voir avec force Parler vrai Se tenir droit Marcher sans but Trembler sous la nuit Rire au vent Mettre les fantômes au pas Chérir les morts Fuir la Bêtise Perdre son temps Trouver sa place N’obliger personne Ne pas Juger par l’écorce le cœur. |
Ma grande sœur déconseillait de soupirer contre le vent de recueillir un chat l’hiver et de pleurer l’estomac vide Elle avait bien d’autres lubies que sublimait son célibat mais je ne vous les dirai pas (ou bien dans un autre poème) Sa maison était une ruine et de nombreux corps de métier s’y succédaient après journée Elle offrait des bières et sa joie aux ouvriers qui riaient fort jusque bien tard dans son taudis (je me souviens de leurs odeurs) Un soir je l’y trouve endormie dans un bain de mousse bleu pâle (la porte n’était pas fermée) À la hauteur de son nombril flottait un luxueux sextoy (je me rappelle sa couleur) Quand j’ai voulu la réveiller il a plongé comme un voleur. |