C’est chaque fois plus dur plus acéré plus noir ça court de jour en jour à rebours de l’espoir ça vous écrase un homme ça grince, ça patine ça racle, ça cramponne moi je reste à ma place je tiens bon, je m’agrippe je m’accroche, je grimace je plaide, je ploie, je pleure je tiens le coup, je mords sur ma chique je m’applique à voir plus loin plus clair à la vie à la mort je pourrais lâcher pied reprendre le collier mais je n’ai pas la force de faire demi-tour Tu veux qu’on échange, tu veux ? Tu veux ? Tu la veux ? Viens la prendre ma place au soleil comme tu dis Tu veux ma place ? Prends la toute mais balaye mes traces lâches et lasses parts d’ombre sur les vitres du jour. |
Il était blond mais italien Il portait une chemise vert-pomme Il portait beau Nous lui faisions bonne impression (il se targuait de bien connaître les hommes les femmes mieux encore (clin d’œil à mon endroit)) mais ne voulait pas se vanter de ses faveurs Il avait beaucoup voyagé et vers le Nord en français dans le texte – beaucoup roulé sa bosse en Allemagne, il avait appris l’Allemande en France, la Française, en Flandre la Flamande et puis à l’autre bout du monde un peu aussi Seul le pays des kangourous l’avait déçu Nulle part, il n’avait douté de son pays ni de l’aimer ni de le faire aimer à tous. Il posait les questions mais aussi les réponses Etions-nous à Rome pour la première fois ? Y avions-nous des amis ? Avons-nous observé comme le Capitole est mal famé la nuit ? Ai-je aussi remarqué comme les filles sont jolies les terrasses fleuries ? Il y avait ces jours-là des cas de varicelle, soyons prudents : ne serrons pas de mains et n’offrons pas nos lèvres Notre guide parlait plus vite que le vent et nous perdions la route et le sens de ses mots à l’assaut des églises et des temples antiques le bavard nous soûlait cependant que la Ville rayonnait alentour en se moquant sous cape de la situation. |
Tes amis prennent de tes nouvelles de ta santé, de tes poèmes tu leur en donnes d’imaginaires tu leur en donnes de tes doubles de tes louves et de tes loups fourbies dans les ténèbres épaisses de ta farouche solitude. Non, tu ne vas pas bien qu’on se le dise, mais tout bas : ta vie, à reculons, montre ses vrais visages : trahisons, rebuffades et dentelles souillées. |
Aujourd’hui j’ai sauvé la vie d’un escargot, sans raison, sans calcul, pour le simple plaisir de sauver une vie. Il n’était pas question de rivalité entre nous. Ce n’était pas lui ou moi : il était bel et bien le seul en danger. Lui, au milieu du trottoir, fragile et sur le point d’être écrasé sous la première semelle venue. Moi, au milieu de ma vie, fort, large et gorgé de tous les espoirs. Lui, tombé d’un arbre et venant tout juste de se chier dessus. J’ai pris l’escargot dans ma main. Je lui ai soufflé au visage des paroles d’encouragement, puis je l’ai posé doucement, lentement, jusqu’à ce qu’il y adhère parfaitement, sur la branche du sorbier qu’il venait de quitter. Aujourd’hui, j’ai pesé une vie d’escargot. |
Est-il une façon de sortir de ceci, d’ouvrir le feu sans se brûler la peau, sans manger sa parole ou se mordre la langue, de sortir de la nuit les pieds légers tout sourire en haussant bellement les épaules. (Vivre les nerfs à vif, cela ne nous vaut rien) Est-il une façon de sortir de ceci ? La connais-tu la manière élégante d’ouvrir le bal sans desservir la danse, de dire « tout est loin » et d’aller à la ligne de se tenir à bonne distance l’un de l’autre de dire « tout est loin » sans changer de trottoir et questionner encore comme chaque matin le regard du marchand d’automne « Quoi de neuf sur le front des rêves ? » |
Nous ne parlons jamais au passé nous passons Parfois nous nous taisons et pendant nos silences des souvenirs s’écrivent Je t’offre des fleurs sans épines du poisson sans arêtes des olives sans noyau. Tu caresses le général J’embrasse le particulier tu vis trop vite je parle trop fort nous nous aimons Nous ne parlons jamais de passion nous passons du temps dans les bras l’un de l’autre à ne rien faire que caresses et sourires et penser à des livres qu’on aimerait relire mais dont le titre est oublié Le catalogue automne-hiver obsolète au printemps prochain est posé là entre nous deux Il dit en petits caractères ce que nous ne savons pas encore qu’au magasin de vivre ensemble même s’il n’a jamais servi aucun article ne s’échange Nous ne parlions jamais du passé nous passions. |
Je suis fleur bleue en amitié. Ça va te paraître suspect à toi qui crains les sentiments les plans pas clairs ou les embrouilles Moi qui suis carré en amour comme une montre de plongée j’aime nos rendez-vous complices et nos sourires entendus nos confidences au masculin sur la portée de nos espoirs la mesure de nos ambitions l’envergure de nos projets et la taille de nos pénis (aucun danger je te le jure à toi qui hais les quiproquos tu n’as pas à serrer les fesses tu ne dois pas serrer les poings je n’ai pas ta photo sur moi et ton poil ne me trouble pas J’aime ta bouche pour ses mots j’aime tes yeux pour leur regard et j’aime les raisons qui nous mettent à bonne distance du chaos – J’aime savoir quand tu vas bien j’aime savoir quand tu es mal Par-dessus tout j’aime avec toi être fleur bleue en amitié |