| J’arme l’oeil [extraits]


On marche On vole parfois
des mots au paysage
On tournoie dans le vent
On prononce pierre et on la lance
On épelle fleur et on la cueille.
On murmure source pour boire.
On pense que c’est là la vraie vie.
dans laquelle tout se réinvente
Et peut-être n’est-ce même pas
une pensée solide
mais la voix énervée
d’un rêve qui revient.


Reprendre tes images
les déplacer un peu
les mélanger aussi
caresser de mes mots
la peau des paysages
Lire sur la frontière
les couleurs que tu couches
le lit d’une rivière
la lumière d’un ciel
le baiser d’une bouche
Voir l’ombre de la flamme
dans tes feux d’artifice
dire l’arbre hippocampe
qui nage dans tes encres
écrire l’impossible
palimpseste de l’œil.

L’hiver ne me vaut rien.
Je palpe des fantômes.
Je baisse les volets
pour ne pas voir qu’il neige
mais la neige me voit
et me perçoit peut-être
comme un frère éphémère
froid, lâche et mou qui tombe
aussi bas que possible
d’un ciel qui l’a trahi.
Il faudrait qu’on se parle
que j’ouvre ma fenêtre
et boive son baiser.

Ephémère joggeur
dénudé dans les dunes
tu surgis on dirait
que tu sors du soleil
que tu t’ouvres une route
sur Terre parmi nous
tu t’arrêtes tu baignes
dans ta transpiration
et tu ne nous vois pas
puis tu reprends ta course
auréolé des feux
de ta courte beauté
la lumière t’avale
et recrache ton ombre
un point qui clôt la plage
l’horizon te va bien.


Les années n’y font rien Nous sommes
les enfants de nos paysages
de leurs heures d’ennui fertile
Nous tournons lentement les pages
d’un livre qui salit les doigts
et rembobine les décors
jamais les gestes ni les choix
Nous avançons avec des moues
de ciels de pluie et d’hivers pâles
dans notre lecture assommante
du livre qui mange nos jours.

Il aura appris seul
sans livres ni école
à converser avec le monde
Maintenant qu’il vole
avec les ailes fragiles
de ses propres certitudes
la pudeur n’est plus sa compagne
la nudité lui convient
et la peau de son coeur respire.

C’est un fil invisible
qui me relie à toi
Quand je tombe
je t’entraîne
Quand je tourne en rond
nous nous emmêlons
Et quand ma langue se délie
il se dénoue
et tu t’en vas.